Telegram vient de rejoindre les rangs des applications qui se lèvent contre Apple. L’application de messagerie sécurisée a suivi le mouvement et déposé une plainte auprès de la Commission européenne pour pratiques anticoncurrentielles. Un cas intéressant de rapport B2B qui tourne en conflit et qui permet de s’interroger sur les lois en vigueur. Alors, si vous aussi vous considérez qu’une entreprise avec laquelle vous travaillez ne respecte pas les lois de la concurrence, voici ce qu’il en est vraiment.
Qu’est-ce qu’une pratique anticoncurrentielle ?
La loi française et la loi européenne ont été harmonisées sur la question des pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, la loi aux États-Unis, pays d’origine d’Apple, est aussi à peu près la même. Cependant, toutes ces lois restent sujettes à l’interprétation. Elles ont pour objectif de protéger les marchés d’un monopole injuste menaçant la libre concurrence. Cependant, une entreprise extrêmement puissante comme Apple a les moyens de peser sur la justice.
Dans le cas d’un désaccord au sein d’une relation B2B entre deux entreprises de moins grande envergure, la situation est souvent moins complexe. Les pratiques concurrentielles sont définies comme des comportements visant à réduire les opportunités de développement d’entreprises concurrentes en usant et en abusant de son monopole. C’est pour cette raison que la loi américaine prévoit l’impossibilité pour une entreprise de détenir un trop grand monopole sur un secteur.
Par exemple, si votre entreprise fait appel à une autre entreprise pour exercer son activité dans un champ particulier, l’entreprise avec laquelle vous travaillez n’a pas tous les droits. Ses droits sont encore plus limités quand elle est la seule opportunité dont vous disposez pour exercer votre activité. Ce genre de situation arrive rarement, mais elle est de plus en plus fréquente à mesure que les géants de l’informatique et du divertissement américain grossissent.
Qu’est-ce que Telegram reproche à Apple ?
Les reproches que Telegram a adressés à Apple ne sont pas nouveaux. Spotify et Rakuten ont été parmi les premières applications à oser se dresser contre le géant des smartphones. D’après ces applications, Apple freinerait le développement des entreprises en leur imposant des taxes et des conditions d’utilisation trop contraignantes dans son App Store.
Il y a un peu plus d’un an, Netflix avait déjà supprimé la possibilité de s’abonner à son service à travers l’application sur Apple. Pourquoi ? Parce que le prix était le même que sur le site Internet, mais subissait une taxation de 30 % par Apple. Pour de plus petites entreprises, se voir priver d’un tiers de leurs revenus par Apple simplement pour avoir le droit de rester sur l’App Store est un problème.
Pour la justice européenne, c’est aussi un problème parce que l’App Store est l’unique magasin d’application disponible sur les téléphones d’Apple. Sur Android, il est possible et facile de télécharger une application ailleurs que sur le magasin Google. Apple a toujours refusé et n’offre donc pas suffisamment de place à la concurrence pour être en droit d’imposer de tels tarifs aux entreprises qui utilisent ses services.
Que peut-on exiger en cas de pratiques anticoncurrentielles ?
Si vous estimez que votre entreprise est menacée par des pratiques anticoncurrentielles, vous devez déposer une plainte auprès d’un tribunal de commerce. Généralement, pour qu’une pratique anticoncurrentielle émerge, l’entreprise responsable doit avoir beaucoup de pouvoir à sa disposition. Vous n’êtes donc probablement pas la seule entreprise à en souffrir et vous avez tout intérêt à vous regrouper avec les entrepreneurs qui partagent votre point de vue.
Si les pratiques en question sont effectivement jugées comme contrevenant à la libre concurrence des acteurs économiques, le juge est en droit de prendre plusieurs décisions. D’abord, il obligera l’entreprise à mettre fin à son monopole pour rétablir une concurrence plus juste. Ensuite, il pourra lui donner une amende pour chaque jour durant lesquels elle ne s’exécute pas. Enfin, des dédommagements sont également envisageables pour les plaignants s’ils ont subi des pertes.
Quelle suite sera donnée à la plainte de Telegram, Spotify et Rakuten ?
Pour les utilisateurs, le monopole d’Apple peut paraître sans gravité, mais il a pourtant d’importantes conséquences. Par exemple, le fabricant de téléphones a menacé Telegram de disparaître de son App Store s’il continuait à se plaindre des taxes appliquées. Une telle situation pose évidemment des questions quant à l’étendue du pouvoir d’Apple. L’entreprise est en mesure d’exercer une censure implacable et incontournable.
Malheureusement, tant qu’aucun tribunal ne se sera exprimé contre ce monopole, Apple sera parfaitement libre de l’exercer comme bon lui semble. Il faudra donc attendre que les plaintes déposées à la Commission européenne soient analysées, qu’une enquête soit menée, puis qu’un jugement soit rendu.
Tout cela pourrait prendre des années, mais également mener à l’obligation pour Apple d’offrir aux utilisateurs la possibilité d’installer d’autres magasins d’applications. Si la décision ne s’appliquait qu’en Europe, les iPhones américains n’auraient alors aucun changement à effectuer sur leur logiciel interne.